La Mer Rouge (3e
partie) : Les poissons des récifs
« Vue des rochers,
les pieds dans l’eau, la Mer Rouge est une mer comme les autres. Si vous
mettez la tête sous l’eau, là, juste au bord, elle est une mer comme
nulle autre : vous êtes tombé directement dans l’aquarium. Ils sont tous
là : à pois, rayés en large, rayés en long, verts, violets, lippus,
filiformes, rondouillards, noir mat avec des coquetteries de nageoires
jaunes, bleu électrique. Ils vous regardent droit dans le masque et
retournent à leur corail... »
(Paul FOURNEL, Poils de Cairote).
Dans le numéro précédent, nous avons vu
que les récifs coralliens, ces grandes constructions vivantes qui
frangent les côtes de la Mer Rouge, constituent l’habitat de presque
toutes les espèces animales. On y rencontre une multitude de poissons,
de toutes tailles, de toutes formes et de toutes couleurs. La Mer Rouge
héberge en effet plus de 1200 espèces de poissons (soit deux fois plus
qu’en Méditerranée), dont 35% sont endémiques c'est-à-dire qu’elles
n’existent qu’en Mer Rouge. Je ne vous en présenterai ici qu’une toute
petite sélection, ceux que vous rencontrerez le plus souvent lors de vos
baignades au bord des récifs.
Commençons
par ceux qui vous enchanteront par le spectacle de leur ballet autour
des récifs : les Anthias
(photo 1) de la famille des Serranidés. Longs d’une dizaine de
centimètres et très colorés (les femelles sont rouge orangé avec des
yeux violets, les mâles sont mauves), ils évoluent en banc sur la
hauteur des récifs. Planctonivores. La colonie obéit à un ordre bien
précis entre les 2 sexes ; à la mort du mâle dominant, la femelle
principale du harem change de sexe, prend sa place et est remplacée par
la seconde femelle du clan... 
Près des Anthias, vous croiserez les
Sergents Major
(photo 2), l’une des 300 espèces
de la famille des Demoiselles ou Pomacentridés.
En nageant au bord des récifs, il n’est pas rare de se retrouver mêlé à
un banc de ces petits (15 cm) poissons rayés
noir et argent. En période de ponte, ils veillent avec grand soin sur
leurs œufs et peuvent devenir plus agressifs envers les nageurs...
ils vous foncent alors dessus et tentent de vous mordre en poussant des
petits grognements (enfin bon, il faut bien ouvrir les oreilles !!) Mais
rassurez-vous, leur morsure n’est rien qu’un léger pincement et ils ne
se nourrissent que de
plancton, d’algues et petits invertébrés...
Et voici la star de la Mer
Rouge,
le poisson clown (photo 3) membre
lui aussi de la famille des Demoiselles.
Ce petit bijou d’une dizaine de centimètres vit en couple ou en famille
au sein de son anémone dont il ne s’éloigne jamais de bien loin (et oui,
Disney n’a rien inventé !) Il vit une cohabitation réussie avec
l’anémone dont les tentacules urticants le protègent des prédateurs. En
échange du logis, le poisson clown fait la toilette de l’anémone. Ici,
le poisson dominant est la femelle et lorsqu’elle disparaît c’est un
mâle adulte qui la remplace après avoir changé de sexe !
Et voyez les belles couleurs
qu’arbore le poisson perroquet
de la famille des Scaridés (photo
4).
Sa mâchoire en forme de bec d’oiseau lui permet de gratter le corail
pour se nourrir des micro-algues qui le recouvrent. Long d’environ 40
cm, ses couleurs varient selon le sexe : le mâle est plus coloré... pour
mieux attirer la femelle paraît-il ! La
nuit, le poisson perroquet dort dans les cavités des récifs ; et pour se
protéger des prédateurs nocturnes, certains sécrètent un voile de mucus
dont ils s’enveloppent comme dans un cocon.
Et
quel drôle de poisson que le tétrodon
masqué (photo 5), référence à la tâche noire autour des yeux.
Endémique de la Mer Rouge, il appartient à la famille des poissons
ballons (Tetraodontidés) qui gonflent lorsqu’ils se sentent
menacés ; le poisson pompe une grande quantité d’eau dans son ventre, ce
qui lui permet d’augmenter son volume et de faire fuir l’ennemi en face
de lui. Le stress provoqué par cette manœuvre est si fort qu’il peut le
faire mourir. Il produit aussi une
toxine mortelle qui le rend non comestible.
Le poisson papillon (de
la famille des Chétodontidés
qui compte 120 espèces) est l’un des plus typiques et des plus colorés
de la Mer Rouge. Il vit en groupe ou en
couple, généralement caché sous les tables de corail. Son couple peut
durer des années, parfois toute une vie !... La photo 6 montre l’espèce
jaune citron, endémique de la Mer Rouge, accompagnée de
poissons cochers, eux aussi de la
famille des Chétodontidés. Le poisson papillon peut avoir bien
d’autres couleurs : bleu, orange, blanc, avec ou sans rayures, etc...
Encore
un qui porte bien son nom : le poisson
chirurgien est doté, des deux côtés de la queue, d’épines
coupantes comme des scalpels dont il se sert pour se défendre des
prédateurs et des concurrents. Voyez l’épine orange du Chirurgien
zébré (ph.7) et les épines bleues du Nason à éperons (ph.8).
De la famille des Acanthuridés, le chirurgien vit dans les eaux
peu profondes au dessus des récifs où il se nourrit d’algues. Impossible
de le rater pendant vos baignades !
Curieux poisson d’une vingtaine de
centimètres, voici
le poisson faucon (photo 9),
membre de la famille des Cirrhitidés. Perché sur son corail, il
peut y rester des heures sans bouger à attendre qu’un petit
poisson ou une petite crevette passe ; il bondit alors sur sa proie c omme
une flèche. Territorial, le mâle
s’entoure d’un harem de femelles. Ici aussi le
processus d’inver-sion sexuelle
existe : en cas de besoin, une femelle devient mâle.
Et enfin, une merveille parmi les merveilles,
la rascasse volante (photo 10) membre
de la famille des Scorpionidés. A mon avis, l’un des plus beaux,
des plus gracieux et des plus envoûtants poissons de la Mer Rouge... une
douce valse aquatique. Une beauté empoisonnée puisque la piqûre des
épines situées sur sa nageoire dorsale est venimeuse et très douloureuse
(gare à vos doigts !) Le jour, la rascasse reste dans les creux des
récifs ; la nuit elle devient un chasseur redoutable acculant dans ses
larges nageoires pectorales les petits poissons qui ont eu l’imprudence
de s’éloigner de leur groupe. Elle chasse aussi en meute : les rascasses
s’alignent alors en rang pour attaquer les bancs de petits poissons.
Véronique

A
lire dans le prochain numéro du Scribe :
« Des poissons de la Mer Rouge un peu plus gros... » |