La Mer Rouge (1e partie)

 Dans ce cycle spécial Mer Rouge, je vous propose de vous faire découvrir ma mer préférée, l’une des plus grandes richesses de l’Egypte, « el Bahr el Ahmar »... Nous connaissons ses légendaires couleurs, qui varient du bleu pâle au bleu presque noir, en passant par le bleu turquoise et le presque vert... mais que sait-on d’elle, de son histoire, de sa formation, de la vie qu’elle renferme ?

       D’abord, d’où lui vient ce nom ?...

Plusieurs versions circulent. Certains prétendent que la mer serait rouge du sang des soldats de Ramsès qui périrent, engloutis par les flots, en poursuivant Moïse et son peuple... Les plus scientifiques avancent des versions beaucoup moins romanesques. L’une d’elles parle d’une réaction chimique sur une espèce d’algue qui, périodi-quement, prolifère et devient rouge, colorant ainsi de grandes portions de mer. L’autre se fonde sur un phénomène optique : la Mer Rouge est bordée de montagnes de couleur rose, en raison du minerai de bauxite qu’elles contiennent ; au coucher du soleil, elles devien-nent rouges et leur couleur se reflète dans la mer...

Un peu de géologie...

La Mer Rouge est une mer jeune, formée il y a environ 25 millions d’années après la séparation des plaques terrestres africaine et asiatique. Un immense fossé se forma, ouvert au nord sur la Méditerranée et fermé au sud par une langue de terre la séparant de l’Océan Indien. Il fut englouti par les eaux de la mer. Un soulève-ment de terrain, il y a 5 millions d’années, ferma la liaison sur la Mer Méditerranée et ouvrit un passage au sud, apportant les premiers éléments de la faune de l’Océan Indien. Mais la Mer Rouge n’atteignit son niveau actuel qu’il y a 5 000 ans : après la fin de la dernière glaciation, la montée des eaux inonda ce fossé d’une eau plus chaude et moins salée.

       Un peu d’histoire...

La Mer Rouge a toujours été un trait d’union entre l’Afrique et l’Asie, un lieu de passage sur la route des épices. Bien avant 3500 av. JC, les expéditions maritimes avaient déjà lieu entre l’Egypte et les pays de l’autre côté de la Mer Rouge. Les bas-reliefs du temple de Hatshepsout (à Louxor) montrent que les Egyptiens de l’antiquité connaissaient la route vers les Indes ; la célèbre expédition de la reine vers le pays de Pount (Abyssinie) y est d’ailleurs retracée en détail. Plusieurs civilisations s’imposèrent dans cette région stratégique, des anciens Egyptiens aux colons Européens, en passant par les Phéniciens, les Ptoléméens, les Romains, les Grecs, les Byzantins, les Arabes. Pendant des siècles, elle fut le témoin de nombre de luttes pour le monopole de la route vers les richesses de l’Asie (les amateurs d’histoire trouveront plus d’informations sur le site www.stratisc.org). La Mer Rouge connut son apogée en 1869 avec l’ouverture du canal de Suez qui lui permit de perpétuer sa fonction de route maritime majeure. Elle fut révélée au grand public par deux aventuriers français : Henry de Monfreid (1879-1974), qui bourlingua pendant des années sur ses côtes et en ramena de nombreux récits de ses aventures... et Jacques-Yves Cousteau (1910-1997) qui en 1951 y lança sa première expédition scientifique sur la Calypso.


 

       Une mer unique...

D’une superficie de 438 000 km², la Mer Rouge est une mer longue et étroite (2300 km de long et jusqu’à 350 km de large), mais aussi très profonde (jusqu’à 3000 m dans sa partie centrale). Au nord, elle se divise en 2 bras, les golfes de Suez et d’Aqaba. Au sud, elle communique avec l’Océan Indien par le détroit Bab el-Mandeb, la partie la plus étroite (30 km) et la moins profonde (150 m).

Une mer chaude. Sa température moyenne est de 25°C. Il y a très peu d’écart entre la surface et les profondeurs : en dessous de 300 m, l’eau reste à 22°C (contre 5°C dans l’Océan Indien !) Ce phénomène très étonnant s’explique par le fait que la Mer Rouge est située sur l’une des zones les plus chaudes de la planète : une fracture qui, tel un accès au noyau terrestre, réchaufferait tout le bassin.

Une mer très salée. L’évaporation de l’eau est importante en raison des fortes chaleurs. Et comme aucun fleuve ne s’y jette et que les pluies y sont quasi inexistantes, la Mer Rouge ne bénéficie d’aucun apport en eau douce. Ses échanges avec l’Océan Indien sont par ailleurs très limités, le détroit Bab el-Mandeb constituant comme une « marche » qui bloque le passage des flux marins. Résultat, la salinité de la Mer Rouge avoisine les 4%, contre 3% pour la moyenne des autres mers du globe.

Une extraordinaire transparence. La Mer Rouge est une mer très peu polluée : aucun fleuve ne s’y jette, ses côtes ne sont guère habitées. Elle est en outre assez pauvre en nutriments. Résultat, il y a peu de molécules en suspension, d’où cette incroyable clarté.

Un endémisme très élevé. A l’origine, lorsque la Mer Rouge s’ouvrit au sud, elle se peupla progressivement d’espèces animales provenant de l’Océan Indien. Or, nous l’avons vu, elle reste assez isolée de celui-ci ; ses températures et sa salinité y sont plus élevées. Ces conditions ont permis aux espèces animales originaires de l’Océan Indien d’évoluer. Aujourd’hui, 30 à 35% des espèces animales en Mer Rouge sont endémiques : elles n’existent nulle part ailleurs !

 

         Un immense aquarium...

La Mer Rouge est devenue en quelques années une destination touristique en plein boom ; les stations balnéaires ont émergé du désert et des centaines de vols la desservent chaque semaine, apportant avec eux des milliers de touristes... Une nouvelle espèce est née, «  l’homo palmus aquaticus » ! Pour comprendre les raisons d’un tel engouement, il suffit de mettre la tête sous l’eau. Un masque suffit pour découvrir le plus bel aquarium du monde, sa multitude de poissons et de coraux multicolores baignant dans une eau d’une incroyable transparence. Vous êtes à la « Mecque des plongeurs » !

Laissez-moi vous guider, au fil des numéros du Scribe, à la découverte de ces merveilles !

Véronique

 

A lire dans le prochain numéro du Scribe :

« Les récifs coralliens en Mer Rouge »

BIBLIOGRAPHIE :  « Les secrets de la Mer Rouge » (H. de Monfreid, 1931) – « La Mer Rouge et l’Océan Indien » (S. Weinberg, éd. Nathan) – « Mer Rouge, guide du récif corallien » (H. Debelius, éd.Ulmer) – « La Mer Rouge » (A. Ghisotti, éd. Bonechi).

 PHOTOS : Pascal Cressent, Véronique  Red Sea Images.

 

Dernière mise à jour le : mercredi 24 août 2016